highschool findings & otherings
ARCHEOLOGICAL TRAUMA RESEARCH THROUGH OLD BODIES OF EDUCATIONAL ART
2002-2006
Cours de français
Secondaire V - ESSJ
St-Hyacinthe
Les soldats du gouvernement sont venus et nous ont forcés à les suivre, moi et mon père. Mon père a refusé, alors ils l’ont égorgé. Ils m’ont frappé et attaché et m’ont obligé à rejoindre les combattants.
Mon recrutement fut facile pour eux… Facilité par la prolifération d’armes, mais aussi par la situation économique du pays. Ici, je ne suis ni considérée comme fille, ni comme femme, ni comme humaine… En fait, je ne suis pas considérée comme quelqu’un ou quelque chose… Je suis tout simplement un instrument de guerre bon marché qui obéit sans broncher et qui est remplaçable en un claquement de doigt… en un coup de fusil…
Je fus une très bonne recrue, puisque ma petite taille leur permet de m’utiliser pour des missions dangereuses, des missions impossibles pour un adulte. Malheureusement, bien vite je me suis aperçue que j’avais oublié un détail, on me forcerait à tuer ma famille et mon entourage.
Plusieurs jours, j’ai pleuré mon père. Les pleurs couvraient aussi mon inquiétude et ma grande peur vis-à-vis du jour où je pourrais réintégrer ma communauté. Même s’il y a des programmes officiels de désarmements, pour pouvoir accéder à ce service, il faut faire preuve de son appartenance militaire, c’est-à-dire posséder et savoir se servir d’une arme. Si ces conditions ne sont pas remplies, je suis exclu du programme. Et puis, peut-être que ça serait une meilleure idée puisque après tout on ne m’a pas enseigné à tenir une arme, on m’a enseigné la haine… Et après tout, je ne veux pas avoir le statut d’ex-combattante… Considérée comme anciennes filles soldates, je serais rejetée par ma communauté, car j’aurais été abusée sexuellement. Avec ce statut, je perds toute opportunité de me marier…
À mes premières missions, Ils nous donnaient du chanvre [cannabis] et nous forçaient à tuer des gens pour nous aguerrir.
Et lorsque je n’étais ni esclave sexuelle, ni combattante, ni espionne, ni démineure, ni porteuse, ni messagère, ni pilleuse, ni cuisinière, on m’entreposait avec d’autres enfants et adolescents dans un hangar souillé de sang et de verres cassés… Parfois, un groupe armé du gouvernement entrait dans ce hangar avec d’autres femmes et d’autres jeunes filles comme moi, pour que les jeunes soldats les violent. S’ils refusaient, ils étaient battus. Parfois, on nous demandait (jeunes soldates) d’assouvir les pulsions sexuelles des groupes armées du gouvernement. Si on refusait, plusieurs soldats nous tenaient, et l’un après l’autre ils nous touchaient, « caressaient », battaient. Certaines jeunes filles en sont mortes. Puis, pour ajouter à notre dégoût, ils s’assuraient de faire cela en toute clarté pour que chacun puisse voir ces femmes meurtries. Le vagin détruit par le verre, elles sortaient du hangar le visage, le corps et l’esprit taché de sang.
Une nuit, la dernière que je passai dans ce hangar, je vis une jeune fille accoucher d’un enfant… mort. Cette fille n’était, en fait, qu’un reflet de mon corps dans une marre de sang, agonisant suite aux sévices corporels qu’on me fit subir, car, semble-t-il, j’ai crié trop fort lors de l’accouchement…
Moi, Anka,
Mère,
Maintenant 17 ans,
République du Congo,
Porte donc les mêmes vêtements que vous.
Mais moi,
C’est pour me camoufler,
Me cacher,
Survivre.
Pour survivre.